Short Description
La justice du Prophète (paix et salut à lui) dans ses relations avec les non-musulmans apparaît également dans le fait qu’il n’émettait de jugement contre l’un d’entre eux que s’il disposait de preuves, et cela, même si le plaignant était l’un de ses proches.
La justice du Prophète (paix et salut à lui) dans ses relations avec les non-musulmans apparaît également dans le fait qu’il n’émettait de jugement contre l’un d’entre eux que s’il disposait de preuves, et cela, même si le plaignant était l’un de ses proches.
Ainsi, `Abdallâh ibn Mas`ûd rapporte que le Prophète (paix et salut à lui) a dit : « Celui qui prononce un serment mensonger pour s’approprier le bien d’un musulman trouvera Allah en colère contre lui lorsqu’il sera confronté à Lui. » Al-Ash`ath ibn Qays a dit : « Par Allah, c’est à propos de mon cas qu’il a dit cela. J’avais un litige à propos d’une terre avec un juif qui avait bafoué mon droit. Je l’emmenai devant le Prophète (paix et salut à lui) qui me demanda : ‘As-tu une preuve ?’ Je dis que non. Il dit alors au juif : ‘Jure.’ Je protestai : ‘Messager d'Allah, alors il va jurer et prendre mon bien.’ Allah révéla alors : ‘Ceux qui troquent à vil prix leur engagement envers Allah et leurs serments n’auront aucune part dans l’au-delà’ (sourate 3, Âl `Imrân, verset 77). »[1]
Voilà une attitude remarquable !
Le litige opposait deux hommes : l’un était un Compagnon du Prophète (paix et salut à lui), l’autre était un juif. Ils sont allés trouver le Prophète (paix et salut à lui) pour qu’il tranche leur différend, et il n’a pas choisi d’autre solution que d’appliquer la Loi divine sans favoritisme ni parti pris. Or, la Loi divine requiert que le plaignant – ici al-Ash`ath ibn Qays (qu'Allah l’agrée) – apporte la preuve de ce qu’il avance, et s’il n’y parvient pas, il suffit à la personne mise en cause – ici le juif – pour être innocentée, de jurer qu’elle n’est pas coupable de ce dont on l’accuse. Cela, conformément à la parole du Prophète (paix et salut à lui) : « C’est au plaignant d’apporter la preuve, et à celui qui nie de jurer. »[2]
La situation se complique lorsqu’il apparaît que le Compagnon n’a pas de preuve et que toute l’affaire repose sur le serment du juif. Le Compagnon perd alors espoir car il sait que ce dernier n’hésitera pas à prononcer un serment mensonger. Cependant, le Prophète (paix et salut à lui) ne peut rien pour lui, et il n’a pas d’autre solution que d’abandonner le bien au juif.
N’est-ce pas là un exemple de justice absolue, qu’on n’imaginerait pas voir appliqué dans la vie des gens ?
Voilà ce qu’est l’islam… une religion céleste qui régit la vie des gens sur la terre.
Voilà qui était le Prophète (paix et salut à lui) : l’être possédant la plus haute moralité et le meilleur comportement !
Ce ne fut pas la seule fois de sa vie où il rejeta la plainte d’un musulman contre un juif en raison de l’absence de preuve. Un incident bien plus grave qu’un litige pour une terre se produisit, dans des circonstances bien plus dramatiques, et la réaction du Prophète (paix et salut à lui) fut la même, car il se référait toujours aux principes inaliénables de la religion, de la morale et de la justice.
Sahl ibn Abî Hathma (qu'Allah l’agrée) rapporte que des hommes de son clan se rendirent à Khaybar et s’y séparèrent, puis qu’ils trouvèrent l’un des leurs assassiné. Ils dirent aux gens chez qui ils avaient trouvé le mort : « Vous avez tué notre compagnon. » Ceux-ci répliquèrent : « Nous ne l’avons pas tué et nous ne savons pas qui l’a tué. » Les musulmans allèrent trouver le Prophète (paix et salut à lui) et lui dirent : « Messager d'Allah, nous sommes partis à Khaybar et nous avons trouvé l’un des nôtres assassiné. » Il répondit : « Les aînés, les aînés. » Puis il leur demanda : « Avez-vous une preuve contre ceux qui l’ont tué ? » Ils répondirent qu’ils n’avaient pas de preuve. Le Prophète (paix et salut à lui) dit alors : « Qu’ils jurent donc. » Ils protestèrent : « Nous n’accepterons pas le serment des juifs. » Comme le Prophète (paix et salut à lui) ne voulait pas que le sang du musulman ait été versé sans compensation, il acquitta le prix du sang avec cent chameaux pris sur l’aumône.[3]
Voilà encore, par Allah, une histoire admirable !
Cet épisode eut lieu dans une période de trêve avec les juifs, comme l’indique la variante de Muslim (« Cela se passait en temps de trêve »), ce qui signifie qu’il eut lieu après la défaite des juifs à Khaybar et leur acceptation du traité de paix avec le Prophète (paix et salut à lui). Les juifs étaient donc en position de faiblesse et les musulmans en position dominante : les musulmans auraient donc pu, s’ils l’avaient souhaité, imposer leur point de vue par la force.
Dans de telles circonstances, un musulman médinois de la tribu des Khazraj avait été tué. Il s’appelait `Abdallâh ibn Sahl, comme l’indique la variante de Muslim.[4] Ce meurtre eut lieu sur les terres des juifs et tout portait à croire que le meurtrier était un juif. Cependant, il n’y avait pas de preuve permettant de confirmer ce qui demeurait donc une simple hypothèse et un soupçon. Cela ne suffisait pas à fonder une accusation. C’est pourquoi le Prophète (paix et salut à lui) n’a prononcé aucune sanction contre les juifs, se contentant de leur demander de jurer qu’ils n’avaient pas commis le crime.
Les Ansâr étaient abasourdis : ils savaient que les juifs n’hésiteraient pas à prononcer un serment mensonger et que leur cause, quoique juste, était perdue. Cependant, le Prophète (paix et salut à lui) ne laissa pas la tristesse des Ansâr influencer son jugement ; il n’écouta pas leurs désirs non fondés sur des preuves et il refusa d’imposer le prix du sang aux juifs, de tuer quiconque parmi eux ou de leur faire subir la moindre punition. Les Ansâr se sentirent lésés, n’ayant reçu aucune compensation pour le meurtre de l’un d’entre eux.
C’est alors que le Prophète (paix et salut à lui) a fait ce que personne n’aurait imaginé : il a pris en charge le paiement du prix du sang sur le trésor public des musulmans, afin d’apaiser les Ansâr sans pour autant être injuste envers les juifs… Mieux valait faire assumer cette charge à l’Etat musulman que d’appliquer à un juif une sanction peut-être injustifiée.
L’imam an-Nawawî[5] écrit en commentaire de ce hadîth : « Ce fut le Prophète (paix et salut à lui) qui assuma le prix du sang pour couper court au différend et pour réconcilier les parties. »[6]
Le Prophète (paix et salut à lui) voulut ainsi fermer totalement la porte, pour que les Ansâr oublient ce différend après avoir reçu le prix du sang et que les juifs ne craignent pas qu’on les attaque pour venger le mort.
Quelle attitude admirable !
Mais le comportement du Prophète (paix et salut à lui) envers Musaylima al-Hanafî, plus tard connu sous le nom de Musaylima le menteur, est plus extraordinaire encore.
Musaylima vint à Médine avec une délégation des Banû Hanîfa en l’an 9 de l’hégire.[7]
Ibn `Abbâs rapporte le récit suivant : « Musaylima le menteur vint à Médine à l’époque du Prophète (paix et salut à lui) et se mit à dire : ‘Si Mohammad me nomme chef après lui, je le suivrai.’ Il vint accompagné d’un grand nombre de ses contribules. Le Prophète (paix et salut à lui) alla le voir accompagné de Thâbit ibn Qays ibn Shammâs, en tenant à la main une branche de palmier. Arrivé devant Musaylima parmi ses compagnons, il lui dit :
‘Si tu me demandais cette branche de palmier, je ne te la donnerais pas. Tu n’échapperas pas au sort qu'Allah te réserve, et si tu fais volte-face Allah te coupera la route. Je vois assurément en toi celui au sujet de qui j’ai eu la vision que j’ai eue.’
Abû Hurayra m’a informé que le Prophète (paix et salut à lui) a dit : ‘Tandis que je dormais, je vis dans mes mains deux bracelets d’or. J’en fus inquiet, et il me fut inspiré dans mon sommeil de souffler dessus. Je soufflai dessus et ils s’envolèrent : je les interprétai comme étant deux menteurs qui viendraient après moi.’ L’un d’eux était al-`Ansî et l’autre Musaylima le menteur, le chef d’al-Yamâma. »[8]
Cet épisode est vraiment remarquable.
Le Prophète (paix et salut à lui) se trouve face à quelqu’un qui refuse de lui prêter allégeance et de devenir musulman, sauf à une condition. Toute sa tribu est derrière lui. Mais le Prophète (paix et salut à lui) a vu en songe – et les songes des prophètes sont véridiques – que cet homme prétendrait après lui être un prophète, il sait quel danger cela représente et quels troubles il pourra susciter si son mouvement prend de l’ampleur. Malgré la gravité de la situation, et malgré la force du Prophète (paix et salut à lui) et des musulmans à cette époque et la faiblesse relative des Banû Hanîfa et des tribus arabes en général ; malgré toutes ces circonstances, le Prophète (paix et salut à lui) n’a pris aucune sanction ni aucune mesure préventive à l’encontre de Musaylima, et n’a pas limité sa liberté ni restreint ses mouvements.
Pour quelle raison ? Parce qu’il ne voulait pas le juger sur la base d’une vision ou d’une révélation, et parce que Musaylima ne croyait pas à la révélation et était encore mécréant. Il ne pouvait donc le juger que sur la base d’une preuve matérielle reconnue par Musaylima et qui prouverait ce qui allait se passer dans l’avenir. Une telle preuve n’existant pas sous cette forme, le Prophète (paix et salut à lui) laissa Musaylima tranquille, alors même qu’il savait parfaitement quelle sédition il allait semer plus tard.
Voilà la justice sous sa forme la plus haute : une justice que l’on ne peut même pas comparer aux autres formes de justice existant sur terre.
[1] Al-Bukhârî, Livre des litiges, chapitre : « Les propos échangés par les plaideurs » (2285)
[2] Rapporté par Mâlik dans al-Muwattâ’ d’après Muhammad ibn al-Hasan ash-Shaybânî (844) et par al-Bayhaqî. Al-Albânî ajoute que le hadîth est rapporté par Muslim et que le commentaire d’an-Nawawî précise qu’al-Bayhaqî donne une variante avec une chaîne de transmission bonne ou authentique s’arrêtant au Compagnon Ibn `Abbâs : « Mais c’est au plaignant d’apporter la preuve et c’est à celui qui nie de jurer. » Voir Mishkât al-masâbîh, 3758.
[3] Al-Bukhârî, Livre des compensations, chapitre des serments (6502) ; la variante citée est celle d’al-Bukhârî. Muslim, Livre des serments, des ennemis, du talion et des compensations, chapitre des serments (1669).
[4] Muslim ibn al-Hajjâj, l’imam et hâfiz Abû al-Husayn al-Qushayrî an-Nîsâbûrî, est né en l’an 204 de l’hégire. Son Sahîh est considéré par les savants comme le second recueil de hadîth le plus fiable après celui d’al-Bukhârî. Il est mort à Nîsâbûr en 261H. Voir Ibn Kathîr, al-Bidâya wan-nihâya 11/33 et adh-Dhahabî, al-Huffâz, 2/588.
[5] Muhyî ad-Dîn Abû Zakariyya an-Nawawî puis ad-Dimashqî le chaféite (631-376 H) était l’un des plus éminents érudits de son temps. Il compila de nombreux recueils, en particulier parmi ses ouvrages achevés : le commentaire du Sahîh de Muslim et ar-Rawda, et parmi ses ouvrages inachevés : Sharh al-muhadhdhab aussi connu sous le nom de al-Majmû`, ouvrage remarquable qui s’arrête au Livre de l’usure. Voir Ibn Kathîr, al-Bidâya wan-nihâya 13/278.
[6] An-Nawawî, al-Minhâj sharh Sahîh Muslim ibn al-Hajjâj 11/278.
[7] Ibn Kathîr, al-Bidâya wan-nihâya, 5/48.
[8] Al-Bukhârî, Livre des vertus, chapitre : « Les signes de la prophétie en islam » (3424) ; Muslim, Livre des visions, chapitre : « Les visions du Prophète (paix et salut à lui) » (2273).
Commentaires
Envoyez votre commentaire